LE JEU EN CLASSE - « Le jeu sans temps mort »

Publié le par did-Par Patrick Lebigre et Fabienne Ledys

TEXTES DES CAHIERS PEDAGOGIQUES

 

N°448 - Dossier "Le jeu en classe"  

« Le jeu sans temps mort »

Par Patrick Lebigre et Fabienne Ledys

lundi 4 décembre 2006

Voici un Itinéraire de découverte 5e croisant EPS et Français , « inventer un sport collectif », qui s'appuie sur la pédagogie du jeu : plaisir immédiat, caractère concret de la réussite et rôle attribué à l'analyse.

Lorsque nous avons prévu de proposer en 5° un itinéraire de découverte (IDD) reposant sur le principe du jeu, nous ne pensions pas rencontrer des réactions embarrassées comme celles de certains parents d'élèves à qui le projet était présenté. Il fallait se rendre à l'évidence : le jeu est mal vu. Si le sport a une bonne image, le jeu au contraire est devenu synonyme de divertissement bon marché et méprisé. S'il en est besoin, on pourra en fournir une preuve : la méfiance des parents d'élèves vis-à-vis de l'enseignement par le jeu surtout si l'on mêle à la chose une matière sérieuse comme le Français.
Notre itinéraire de découverte voulait lutter contre l'échec scolaire et la démotivation en proposant aux élèves d'autres moyens d'apprendre, d'où le jeu à plusieurs, pour qu'ils trouvent sens, qu'ils adhèrent au savoir. L'interdisciplinarité devait permettre aux élèves de faire des liens entre les différentes disciplines, d'apprendre des connaissances générales avec différents supports et de réinvestir leurs acquis.
Notre postulat de départ pour cet itinéraire de découverte était de créer des situations variées, où les élèves cheminent à leur rythme et dans une direction qui se définit progressivement grâce à leurs travaux ; à cela s'ajoute le caractère concret de la réussite (à la différences des matières plus abstraites).
Notre réflexion sur enseignement et jeu à travers un itinéraires de découverte s'organise autour de trois aspects : la théorie, la mise en place et la production.

Un itinéraire de découverte interdisciplinaire sur sport et jeu

Notre IDD avait pour projet l'invention d'un sport collectif réalisé en toute sécurité, adapté aux installations et aux pratiquants et attractif, choisi par tous et avec un règlement facilement compréhensible. Il s'est étendu sur 12 semaines avec des séances de 2 heures continues (voir fiche descriptive et calendrier en annexes).
Pour le Français comme pour l'EPS, nous avons voulu mettre en ?uvrer les acquis de l'enseignement par le jeu.

  une réussite concrète et instantanée où l'élève est acteur de sa réussite :
La première phase du jeu en collectivité est la prise de connaissance des règles. Ainsi au cours de notre IDD, les élèves devaient rédiger le règlement de leur sport collectif fraîchement inventé. Ce texte explicatif a été préparé par une étude d'un règlement du football. Ils ont observé la présence de termes techniques et l'organisation du règlement avec les différents éléments pour ajuster par la suite leur texte. En ce qui concerne le Français, un bon moyen pour que l'élève connaisse les règles est de l'amener à contribuer à définir celles qui vont servir à l'évaluer. De même que le joueur voit objectivement s'il a tiré la bonne carte à la bataille, on bâtit avec l'élève des critères de réussite les plus objectifs possibles.
Si on y ajoute l'auto-évaluation, on ajoute un facteur de motivation intrinsèque qui permet aux enfants de s'inscrire dans une démarche d'apprentissage différente. Dans le sport collectif, l'élève voit si il a frappé trop fort ou non le ballon, comme dans une partie de jeu de l'oie où on voit objectivement combien de points sont sur la face du dé jeté. L'élève se dit qu'il peut analyser seul son échec en Français ou en EPS et rebondir. Pour l'EPS, on peut prendre en exemple les tableaux sur les variables d'un paramètre du sport collectif à compléter en une heure, en autonomie, en se déplaçant sur les installations sportives et en expérimentant. Il est aussi possible de proposer d'écrire une rédaction et, en seconde partie d'heure, permettre à l'élève de s'auto évaluer : on peut créer une équipe de deux élèves pour relire leur travail et l'évaluer grâce à une grille.

  une forme ludique qui permet à l'élève de percevoir différemment le cours :
L'aspect ludique lié à des changements a pu encore apparaître lorsque l'on a proposé une mise en scène de l'évaluation : la « cible » (qui rappelle le jeu des fléchettes ou le tir à l'arc) rend la réussite visible comme dans cet outil d'évaluation qui est utilisé au début et à la fin de l'IDD. On demande à l'élève de définir le sport collectif par un mot. Chaque mot est placé sur la cible à l'endroit qui lui correspond. La conception du sport collectif que se fait chacun devient plus claire aux yeux de tous .

 

Dans l'enseignement, la modification du contexte du cours à travers la modification des supports sera bénéfique : le dépaysement constitue souvent une surprise qui peut générer une écoute différente. Pour le cours spécifique de Français, deux exemples : l'élève compose une rédaction à partir de supports de magazines, ou il réécrit un texte littéraire à sa façon : il n'est plus en position de contemplation des ?uvres littéraires du passé mais il a le droit de « rajouter des moustaches à la Joconde ». On peut ainsi lui demander de réécrire un récit de bataille épique en le parodiant : le chevalier Lancelot affronte à présent un autre type d'adversaire : un prof de maths armé de ses instruments de géométrie. Cette liberté apparaîtra peut-être choquante mais n'est pas plus absolue que celle du joueur contraint par des règles. Ces règles sont juste différentes. On peut aussi partir de supports de la vie réelle : des extraits de règlements existants pour écrire un règlement comme dans l'itinéraire de découverte. L'écriture est différente et motivante par là.
  le rythme
Pour jouer, le rythme est capital. Il motive les participants mais a ceci de spécifique qu'il est induit par les joueurs. L'élève apprécie de pouvoir inventer et de surcroît à son rythme et le travail est dynamisé. Ainsi dans l'itinéraire de découverte que nous avons encadré, l'élève élabore lui-même sa partie de règlement sportif en plusieurs temps. Chaque groupe d'élève proposait une durée (temps de jeu et arrêts) pour son projet de sport collectif. Les phases d'expérimentations et d'écriture ont également alterné pour éviter un rythme de travail trop soutenu.

 

Restaurer une bonne image du jeu

L'EPS sait emprunter au jeu les modalités d'un apprentissage dynamique. D'une part, grâce aux critères précis et à la présence d'observateurs, les résultats sont concrets. L'élève peut s'évaluer sur l'instant par le degré de réussite. L'analyse a lieu, et toujours « à chaud » : juste après la performance ce qui permet à la prochaine réalisation d'être modulée.
D'autre part, les échanges, les situations collectives avec des partenaires et des opposants, donnent au sport collectif une dimension ludique, où chacun progresse à son rythme, où les rôles sont différents pour permettre à tous de s'exprimer.
Enfin, dans l'effort physique, être en compétition avec soi-même pour se dépasser ou avec les autres favorise l'émergence de progrès.
Il s'agit là d'une approche systémique de l'action où ce que l'élève apprend provient d'un dialogue avec le monde extérieur par l'intermédiaire d'une construction. L'enseignant, médiateur, chemine avec l'élève.

Le produit fini pour cet itinéraire de découverte se concrétise sous la forme :
  d'un journal de bord qui fait état de toutes les étapes,
  d'un règlement rédigé avec un traitement de texte et qui sera explicité à l'autre classe,
  d'un sport pratiqué et expérimenté pour ensuite réaliser une rencontre sportive.
Le jeu ne débouche donc pas sur le seul plaisir éprouvé lors de la réalisation du projet.

En définitive, le jeu nous a permis d'expérimenter lors de cet IDD un certain nombre d'actions pédagogiques qui ont trouvé leur prolongement en EPS comme en Français. Le caractère concret et travaillé du résultat final a permis de rassurer les familles un peu inquiètes à l'idée de nous voir employer des heures de cours à jouer. Reste que l'image de ce que doit être un cours est encore figée : le plaisir que l'on y prendrait est suspect. Les itinéraires de découverte sont peut-être un des moyens de changer cette représentation de l'école.

Patrick Lebigre, professeur de Français,
Fabienne Ledys, professeur d'EPS, Lycée A. Dumas, Port au Prince, Haïti.

 

ANNEXES

 

ANNEXE 2 : CALENDRIER DE L'IDD

SEQUENCE IDD : « Inventer un sport collectif »

Classe de 5°

réalisé en toute sécurité, adapté aux installations et aux pratiquants, attractif, choisi par tous et avec un règlement facilement compréhensible

Chaque séance = 2 heures continues pendant 12 semaines

S1 - Présentation de l'IDD : objectifs, organisation, ce qui est à réaliser et à apprendre autrement, carnet de bord, fiches de travail et d'évaluation...

S2 - Phase d'observation - recherche :

S3 - Lecture par chaque groupe des informations et synthèse sur la définition du mot « sport » et de ses paramètres.

S4 - Evaluation de deux sports (l'un apprécié, l'autre nom) pour chacun des paramètres par binôme avec accès à des sources d'information si besoin (CDI, BCD, Internet).

S5 - Synthèse des points positifs en fonction des paramètres puis travail par groupe de 6-7 sur la mise en ?uvre pratique de ceux-ci

S6 - Expérimentation pratique de ce qui est réalisé, des bilans, ajustements.....

S7 - Faire vivre son expérimentation à un groupe avec la co-observation du 3ème groupe, auto évaluation

S8 - Unifier les expériences pour créer un sport commun à toute la classe

S9 - Rédaction du règlement et des schémas

S10 - Mise en pratique, expérimentation pour affiner les choix

S11 - Terminer la rédaction du règlement et des schémas

S12 - Mise en pratique filmée et évaluation

"http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2733"

 

N°448 - Dossier "Le jeu en classe"  

 

Un mode d'apprentissage efficace

Par Evelyne Vauthier

lundi 4 décembre 2006

 

L'idée même de jeu implique délassement, divertissement, « évoque une activité sans contrainte mais aussi sans conséquence pour la vie réelle ». ["http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2736"  "nb1"  "[1] Roger Caillois Les jeux et les hommes" ] Le jeu ne produit rien, il s'oppose au sérieux de l'étude, aussi comprend-on qu'il ait longtemps été banni de l'Ecole et soit encore considéré comme incompatible avec l'apprentissage.

 

Jeu et plaisir sont souvent, encore aujourd'hui, opposés à effort et apprentissage ; le jeu, activité libre, gratuite, par définition, ne pouvant avoir sa place là où présence, horaires, programmes sont contraints.
Cette opposition s'accroît du fait de la dépendance aux jeux liés aux nouvelles technologies qui « envahit », aux yeux des adultes, le monde des enfants ; jeux de fiction où l'image se substitue à la réalité, où l'enfant s'évade du monde et de ses règles ; du fait aussi, sans doute, que, dans notre société, les enfants, trop souvent, voient leurs désirs immédiatement assouvis, soient de moins en moins soumis à des contraintes.
Alors qu'il semble nécessaire, de rappeler que le rôle de l'Ecole est avant tout de donner le sens et le goût du travail, il peut sembler étonnant de défendre la place du jeu dans la pratique pédagogique des enseignants.

Rappelons que les programmes d'enseignement de l'école primaire mentionnent bien que « le jeu est l'activité normale de l'enfant [qu'] il conduit à une multiplicité d'expériences sensorielles, motrices, affectives, intellectuelles... permet l'exploration des milieux de vie, la communication dans toutes ses dimensions, verbales ou non verbales,... [qu'] il est le point de départ de nombreuses situations didactiques proposées par l'enseignant, [que] c'est par le jeu... que l'enfant construit ses acquisitions fondamentales ["http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2736"  "nb2"  "[2] BO du 14 février 2002" ] », même si son rôle dans les cycles II et III est peu mentionné.
Si, en effet, une des missions de l'Ecole est l'apprentissage de l'effort, si tout enseignement exige de la part des élèves rigueur, concentration, ténacité, rien n'interdit d'avoir recours au jeu quand celui-ci contribue à les faire progresser.

Un outil efficace ?

Le jeu motive l'élève, facilite sa concentration, son recours à la mémoire. Grâce au jeu, l'élève est actif : il découvre à travers sa fonction de partenaire, qu'il a un rôle à jouer, une forme de responsabilité au sein de son équipe pour la faire gagner, il prend plaisir à partager, à échanger.
Le jeu change le rapport au savoir et introduit entre les élèves d'une même classe des relations plus saines ; la part de hasard, souvent présente, atténue la crainte de l'erreur, de l'échec, qui paralyse certains ; des qualités de communication, de respect mutuel, de prise en compte des règles, de savoir vivre ensemble se développent.
Le jeu conduit à s'exprimer, à clarifier sa pensée, à justifier ses choix, à argumenter, il contribue à perfectionner son langage.
Par le jeu, l'élève acquiert des méthodes de travail, le sens de l'ordre, de l'enchaînement logique, du raisonnement, du travail en groupe.
Le jeu aide l'élève à développer des compétences exercées différemment et à d'autres moments à l'école, car de nombreux jeux sollicitent des connaissances et des savoir-faire qui sont l'objet même de l'enseignement (arithmétique, géométrie, vocabulaire, syntaxe, histoire, géographie....)
Le jeu amène l'enfant à se dépasser ; poussé par ses partenaires, celui qui joue doit s'impliquer, se concentrer, réfléchir. Il ne le fait plus pour satisfaire l'adulte, parent ou enseignant, mais pour gagner, faire gagner son équipe, pour être reconnu par les autres, devenir un membre reconnu de la classe.

Une aide pour l'enseignant

Le jeu peut permettre à l'enseignant de différencier sa pédagogie, d'adapter aux besoins diversifiés des élèves un même jeu en faisant varier règles et exigences. Le maître peut choisir, en fonction des besoins qu'il a évalués, le jeu qu'il va proposer ; il peut faire jouer ensemble des élèves qu'il observera avec soin de façon à mieux comprendre l'origine de leurs difficultés et concevoir une progression adaptée.
Il peut faire fabriquer les jeux par les élèves et développer ainsi leurs initiatives, leur imagination, leur créativité.
J'ai pu observer un certain nombre d'enseignants qui utilisaient le jeu dans leur classe de façon extrêmement pertinente. Ils savaient tirer parti intelligemment de la motivation suscitée chez leurs élèves par une pratique inhabituelle et introduire des méthodes d'exploitation du jeu qui mettaient en évidence tout le profit que les élèves pouvaient en tirer, les qualités qu'ils développaient et leur permettaient d'évaluer leurs progrès dans différents domaines (maîtrise de soi, raisonnement, exploitation des notions apprises...).
Ce sont, avec les jeux de langue, les jeux mathématiques que j'ai le plus souvent vus mis en place avec une grande maîtrise dans la classe ; le temps consacré au jeu était clairement défini, les objectifs précisément exprimés, tous les élèves, sans exception, étaient actifs, attentifs. Une fois le jeu terminé, l'analyse qui était faite des méthodes suivies, des stratégies conduites et des résultats obtenus permettait à tous les élèves de progresser. Ces activités étaient, bien sûr, préparées, adaptées aux élèves, elles trouvaient leur place dans des progressions bien conçues et étaient évaluées. Elles n'auraient sans doute pas eu la même efficacité sans ces exploitations finales, ces bilans construits à partir desquels les élèves eux-mêmes concevaient leurs prochaines activités.
L'efficacité et la pertinence de ces pratiques dépendent de la manière dont le jeu est introduit et mis en ?uvre dans la classe, et, surtout, du choix des jeux proposés.
Il va de soi qu'il importe de s'informer, de se former pour sélectionner les jeux qui répondront à ses objectifs pédagogiques et qui seront adaptés aux élèves auxquels on les propose, dans la situation que l'on a pensée et organisée.
Il convient toutefois de dire que le jeu ne remplit ces fonctions, ne présente ces avantages, que s'il se pratique à des moments bien définis et préserve un niveau d'exigence qui assurera à l'élève la satisfaction de l'effort récompensé, de la difficulté surmontée.

« Le jeu n'est pas le contraire du travail, ni un moment de loisir gratuit. Le maître peut le mettre en place, le favoriser, en alimenter la flamme, sans pour autant l'enseigner comme un exercice... » ["http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2736"  "nb3"  "[3] Pierre Parlebas, Introduction au document du MEN, Les jeux du (...)" ]

Evelyne Vauthier, IEN, Paris.

"http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2736"

 

N°448 - Dossier "Le jeu en classe"  

Pour que chaque enfant trouve sa place

Par Michelle Ayme

lundi 4 décembre 2006

 

Étonnant univers que celui d'une classe de maternelle où tout est jeu et apprentissage en même temps. Visite guidée sur la pointe des pieds...

 

C'est une petite école maternelle, mais avec une très grande salle de classe. Vous allez pénétrer dans cet espace où tout est jeu, mais où rien n'est innocent, où chaque endroit appelé « coin », en maternelle, comprend, dans la mesure du possible, la panacée pédagogique que l'on nous a inculquée. Tout y est organisé : espace, accueil, logistique, langage, développement-plaisir de la personnalité, socialisation, règles de vie... bref, de quoi s'approcher des buts à atteindre, le tout concocté en fonction de notre personnalité, du système D et des bonnes volontés qu'on pioche autour de soi. Et tout cela sans perdre de vue qu'à 3 ans, on joue ! L'enfant va prendre plaisir et intérêt à s'approprier chaque coin aménagé, chaque jeu proposé devra le mener vers l'acquisition de compétences, d'où les recherches sans fin de l'instit' qui a le cap sur ses objectifs (savoir, savoir-faire, savoir être).
Gardez à l'esprit durant cette visite que tout est fait pour eux, ces tout-petits de 3 ans, qui vont arriver dans un univers étranger, dans un monde nouveau. Chacun doit trouver au moins un endroit, un espace, qui lui convienne, qui réponde à son centre d'intérêt. C'est pourquoi l'espace-classe va se transformer en « coins » où tout comportement sera pour nous, du moins sur le papier, apprentissage.

Dans l'univers des jeux

C'est toujours un véritable déménagement que d'organiser une classe : il faut tourner, essayer, faire, défaire, remanier, catégoriser les différents endroits pour que chacun des individus qu'ils vont accueillir y trouve sa place, se construise, psychologiquement, dans son langage, dans sa socialisation et dans son habileté.
Vous arrivez dans le coin cuisine ; ici les meubles, amovibles, ont été dessinés par la maîtresse et fabriqués par le menuisier de la mairie : l'évier, le four avec ses boutons, les placards, les étagères avec des légumes, des fruits, etc., tout ce qui peut se trouver dans une cuisine, enclos par un panneau qui a une porte et des fenêtres. Et que croyez vous qu'ils y fassent ? Comme à la maison : on invite, on se fait servir, on goûte, on fait ce qu'on a l'habitude de voir, on imite et l'apprentissage commence : on évolue.
Juste après, le coin des puzzles, des encastrements, jolis et colorés pour attirer l'?il, qui vont évoluer dans la difficulté au fur et à mesure. Par exemple celui-ci, un encastrement aux dessins bien conçus qui est un de leur préférés . Et le jeu commence : sous chaque papa animal, se trouve le paysage adapté, la maman, le bébé, de quoi faire des rapprochements avec la réalité.
Ici, près du lavabo, séparés par les plantes vertes, sont installés les endroits où l'on « patouille » : eau, sable, colle, peinture, terre. Endroits de plaisir et en même temps de construction de soi, où l'on améliore et affine sa dextérité.
Un peu plus loin sur votre gauche, les coins déguisement, marionnettes, musique, avec des instruments bricolés ou existants, micro et magnéto, et de la vraie musique que l'on écoute, que l'on vit, que l'on joue.
A droite, la bibliothèque, avec ses coussins pour lire à son aise ou jouer à lire. Puis le coin constructions, avec montages et surtout démontages.
Où que vous alliez, vous trouvez des lieux qui vont permettre de jouer à imiter, comme la cuisine : chambre, garage où l'on peut faire comme si... On met un épouvantable désordre au début, mais très vite, si on veut y retourner, on va apprendre à mettre chaque chose à sa place, à ne pas tout accaparer, à lire les étiquettes. En somme et mine de rien, on va se construire comme plus tard on apprendra à mettre ses mots dans le bon ordre. Toute discipline ne commence-t-elle pas par une certaine rigueur ? Et ainsi dans chaque coin. Par exemple, depuis la fenêtre de la cuisine, on peut jouer à la marchande, il faut donc s'organiser et compter ses petits sous !

Se cacher, observer

Dissimulés au gré de la place qui reste (il arrive parfois qu'on pousse les murs !), des lieux qui permettent de se cacher. Comme dans ce château fort en carton devant vous, à hauteur des enfants, où on échappe aux yeux de la maîtresse, du moins le croit-on, d'où l'on va observer les autres ou rentrer dans sa coquille.
Ici, l'endroit qui permet d'observer la nature, de la comprendre : des poissons, un aquarium marin avec des crabes et des anémones qu'on nourrit, des papillons en liberté, un hérisson avec son carré d'herbe qui ronronne, un criquet dans le vivarium, des têtards qui se transforment et une larve de libellule qui mange les têtards (au grand dam des enfants ) avant de sortir de sa chrysalide, une tourterelle en attente, un lièvre à sevrer.... Tout un petit monde qui paraît d'abord magique mais qui se dévoile sous leurs yeux, et qui leur enseigne aussi la délicatesse et le respect. Pour faire comme les crabes, les enfants ont joué à manger leurs chips avec le pouce et l'index ; comme les papillons, ils ont occupé l'espace salle de jeux ; c'est dire l'importance que peuvent revêtir tous les phénomènes qui nous entourent, sur lesquels on peut s'appuyer pour créer des jeux, aussi éphémères soient-ils. N'oublions pas que ce qu'on appelle « jeu » n'est pas forcément acheté dans le commerce, les enfants sachant très bien s'approprier ce qui leur plaît et le transformer à leur guise : à nous de ne pas « louper le coche » !

Devenir grand

A présent, nous sommes au coin mystère. A priori, rien d'installé, il reste de la place sur les tables débarrassées, nettoyées. Et pourtant, lorsqu'on sort le matériel, on y fait comme les plus vieux, les aînés, les parents : on découpe, on dessine, on écrit (bon, d'accord on joue à écrire, on gribouille ! mais il faut bien commencer), exercices libres au début, avec consignes ensuite.
Pour terminer la visite, retrouvons-nous sur le tapis entouré de petits bancs (récupérés). C'est l'espace regroupement où on parle, on écoute l'autre, on chante, on apprend des comptines qui se répèteront le long des couloirs. On devient grand, le jeu devient collectif et c'est un moment des plus importants que celui où on s'installe pour donner ses impressions, créer une histoire ou lire un livre avec la maîtresse, tous ensemble.
Enfin, nous sortons de la classe pour aller dans la cour, s'il fait beau, ou dans la salle de jeux. Là, le corps va tester ses possibilités : jeux plus ou moins collectifs, avec l'autre, contre l'autre, tout le monde en même temps, ce qui est loin d'être évident !
Ainsi, disait une aide-éducatrice, « la classe, c'est comme une maison en légos qui évolue en fonction de la maturité des enfants, à leur rythme. » Ils grandissent, ils progressent, et quand on compare les productions de juin avec les toutes premières de l'année, quelle fierté ! Déjà ils parlent de la classe des grands, quand ce n'est pas de « la grande école ». Tout a changé au cours des mois, tout a évolué comme tout évoluera dans les sections suivantes, avec un minimum de cohérence et de travail d'équipe.

Un dernier mot : n'oubliez jamais les parents, expliquez bien que le fait de jouer n'est pas aussi innocent que l' on pourrait le supposer, mais qu'ayant affaire à des « bébés » (c'est ainsi qu'on les nomme entre nous !) on veut qu'ils mûrissent, bien sûr, mais à leur rythme, avec un des moyens le plus approprié et à leur portée : le jeu, le plaisir, le rire, car tout passe par là , sans « gavage prédigéré ». Faites-leur faire le tour du « domaine » et même jouer, c'est le meilleur moyen pour qu'ils comprennent le sens de ce qu'on fait là et qu'ils donnent eux aussi aux enfants envie de revenir, n'est-ce pas le plus important ?

Michelle Ayme, directrice à la retraite.

"http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2731"

 

 

N°448 - Dossier "Le jeu en classe" 

Le mariage de l'eau et du feu ? Jeu et éducation à travers l'histoire

Par Chantal Barthélémy-Ruiz

lundi 4 décembre 2006

 

Introduire du jeu dans la pédagogie, c'est vouloir mêler plaisir et travail... or ce ne sont pas là des notions que le sens commun ni les enseignants rapprochent volontiers, du moins en France et à notre époque. Empreints d'une solide tradition judéo-chrétienne, nous avons intégré le fait que l'on gagne son pain à la sueur de son front et que la connaissance est d'abord le fruit d'un effort. Et pourtant...

 

Unions fertiles

Dès l'Antiquité, on utilisait des cartes pour faire découvrir ou réviser des connaissances, sur les vertus, les Muses ou les planètes par exemple... Les humanistes de la renaissance, comme le rappelle Philippe Ariès ["http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2732"  "nb1"  "[1] Philippe Ariès, « L'enfant et la vie familiale sous l'ancien (...)" ], avaient perçu les possibilités éducatives des jeux ; les jésuites en particulier les assimilèrent, les introduisant officiellement dans des programmes contrôlés et choisis, avec il est vrai une place prépondérante pour les jeux sportifs et d'exercice. Les jeux devinrent dès lors des moyens d'éducation aussi estimables que les études.
Un siècle plus tard, Montaigne avait analysé la portée du jeu et sa dimension essentielle chez l'enfant 'Il faut noter, écrivait-il, que les jeux des enfants ne sont pas jeux et il faut les juger comme leurs plus sérieuses actions »

À toute époque, des jeux, devenus depuis jeux de société, ont été inventés directement aux fins de pédagogie : le puzzle servit d'abord pour enseigner la géographie, le Mastermind® fut créé par un ingénieur américain, soucieux d'aider son fils à développer son esprit logique. La légende veut aussi que les échecs aient été imaginés il y a 3000 ans par le conseiller d'un maharadjah, désireux de former son fils à l'esprit stratégique du gouvernement d'un Etat.

Par ailleurs, on ne compte plus les jeux détournés de leur but originel de divertissement pour servir la formation. On peut citer presque tous les jeux classiques ; le Jeu de l'Oie illustré par des centaines de thèmes différents, de la découverte d'un pays à l'histoire d'une dynastie ; et les mots croisés que les enseignants affectionnent, toutes disciplines confondues, du professeur de langue à l'historien.

Malgré ces multiples unions fertiles, le fait d'introduire du jeu dans une situation de formation fait encore question pour de nombreux parents et alimente la discussion polémique entre les « purs » ludologues et les didacticiens ["http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2732"  "nb2"  "[2] Jacques Henriot « Attitude ludique, attitude didactique » bulletin (...)" ]. Non qu'on en soit encore à contester l'efficacité de la méthode qui consiste à faire du jeu un outil et moyen ? les résultats sont trop significatifs pour qu'on les ignore ? . Ce qui fait question, c'est le droit à opérer ce rapprochement entre jouer et apprendre, au moins au sein de l'institution scolaire. Ce débat est dépassé dans le domaine de la formation d'adultes ; il y a une bonne vingtaine d'années en France que les critères, essentiels pour l'entreprise, du retour sur investissement et de la pérennité des acquis ont fait basculer ce milieu vers l'acceptation du jeu comme méthode aussi valide que d'autres.

Des âges de l'humanité... aux âges de la vie

Le jeu, avec ses implications formatrices, a donc traversé les époques ; Aujourd'hui, un regard large sur son utilisation en France laisse apparaître des spécificités en fonction de l'âge et de la situation du public visé.

En formation initiale
On pourrait presque écrire que, lorsqu'il s'agit de très jeunes enfants, on trouve naturel que le jeu soit une activité à laquelle consacrer du temps, mais que, dès l'âge de l'école on cherche à trouver une justification, une utilité au fait d'utiliser le jeu dans des heures consacrées au travail et à l'apprentissage, et ce à l'école comme à la maison.

Au sein de l'institution scolaire
En maternelle, les programmes laissent place au jeu libre. Dans la pratique, une enquête effectuée il y a quelques années par les étudiants du DESS de Sciences du jeu de l'université Paris 13["http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2732"  "nb3"  "[3] « Le jeu à l'école maternelle », département de Sciences du jeu, (...)" ], a montré que nombre d'enseignants s'efforcent de repérer les compétences et habiletés mises en oeuvre dans ces jeux « libres ». On voit aussi qu'ils s'inquiètent quand un enfant semble privilégier toujours les mêmes jeux et qu'il ne déploie donc pas l'ensemble de ses compétences. Enfin, les maîtres, en grande section, un peu d'ailleurs, semble-t-il sous la pression des parents, donnent souvent la priorité à des jeux qui « apprennent » clairement des choses aux joueurs.
Sur un plan positif, on relève une vraie réflexion des enseignants sur la place du jeu et une recherche de jeux qui font appel à tous les sens et se répartissent bien entre jeux à règles, jeux d'imitation, jeux de construction...

En primaire et au collège
S'il est clair, d'entrée de jeu, que l'activité ludique, en dehors du dernier jour de classe avant les vacances s'inscrit dans un programme d'apprentissage, on remarque une grande disparité entre les classes. L'utilisation de jeux ou supports ludiques dépend essentiellement de l'intérêt de l'enseignant et de son envie de se situer dans un autre rapport avec ses élèves.
À partir de la sixième, avec le découpage des heures de cours, le jeu se spécialise dans une approche liée à une matière par exemple la physique ou la géographie. En lisant les récits, situés dans la seconde partie du dossier, vous constaterez que, si le jeu n'est pas utilisé partout, toutes les spécialités ou presque sont touchées. En dehors d'actions concertées comme celle du réseau d'historiens Ludus ou des enseignants de mathématiques à travers le Comité International des Jeux Mathématiques, qui pratiquent une information sur les expériences et les supports disponibles, on découvre de très nombreuses initiatives individuelles en géographie, en SVT, en lettres, en Français Langue Etrangère. L'objectif des jeux est très souvent la vérification de connaissances car les enseignants trouvent alors facile de créer leurs propres jeux, ou la simplification d'un thème complexe, ou enfin, la recherche d'une autre façon d'aborder un sujet pour le rendre accessible aux élèves qui n'ont pas été sensibles à l'approche classique.
Quelques efforts sont faits pour des actions transversales mais elles sont assez rares car elles nécessitent un travail commun des différents enseignants concernés

http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2732"

  [4] Voir dans le dossier des Cahiers 448 l'article « Dessine-moi un (...)" 

J'ai pu constater également un fort engouement pour le jeu lors des évènements qui rythment la vie du collège et qui sont des moments d'ouverture au public de parents.Le jeu prend la forme d'un tournoi, Questions pour un champion®, Trivial Pursuit®, Pyramide® et oppose, dans un esprit généralement convivial mais empreint de compétition, des équipes de collégiens à des équipes de professeurs ou de parents.Et, effet des mécanismes et de l'atmosphère ludique qui transcende les énergies et pousse à l'effort dans la préparation , ce ne sont pas toujours les adultes qui triomphent !

Au lycée
Le jeu est peu utilisé mais, s'il l'est, c'est avec une vraie réflexion.
On trouve beaucoup d'occurrences de l'utilisation de jeux dans les lycées à vocation technique, économique ou sanitaire et sociale ; la raison en est sans doute à la fois l'esprit des enseignants qui cherchent à faire approcher des notions complexes à des adolescents parfois peu attirés par les méthodes classiques et par l'existence de jeux utilisables dans les gammes créées pour la formation continue des adultes. Il existe en effet un certain nombre de jeux sur le fonctionnement de l'entreprise ou de l'économie, l'électricité ou des thèmes de physiques aisément transposables en formation initiale.

Surprise à l'université

Compte tenu des utilisations du jeu évoquées dans les paragraphes précédents ; soit une raréfaction au fur et à mesure de la scolarité, on s'attendrait à trouver peu de ludique dans l'enseignement supérieur.
C'est presque vrai, en France, à l'exception notable de trois secteurs :
  l'enseignement scientifique et technologique. Un colloque tenu sur ce thème à Montpellier a montré une grande fréquence dans les études de pharmacie et biologie (quasi exclusivement de jeux de vérification de connaissances basés sur un mécanisme de QCM). L'université catholique d'Angers fait un effort spécifique : l'équipe du GERSAFE ["http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2732"  "nb5"  "[5] GERSAFE- Université catholique de l'ouest - BP 808 - 49008 Angers (...)" ] a monté un laboratoire de création, traduction et diffusion de jeux de simulation, souvent venus des USA ou du Canada.
  l'enseignement de l'économie et de la gestion d'entreprise à l'université et en grandes écoles ; les enseignants font régulièrement appel aux « business games », jeux de simulation, qui possèdent une aide pour traiter les calculs sur l'ordinateur
  l'enseignement des langues et en particulier du FLE : chaque année, le thème de l'approche par le jeu est traité dans des ateliers d'été ouverts aux enseignants de FLE du monde entier par le BELC ["http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2732"  "nb6"  "[6] BELC/ Centre d'Etudes Internationales sur la Pédagogie - 1, avenue (...)" ] (Centre International d'Etudes pédagogiques) et le Ministère des affaires étrangères et régulièrement des universitaires de plusieurs pays européens se réunissent en colloque pour échanger sur leurs pratiques et les outils qu'ils utilisent.

J'ai mis à part bien sûr le secteur des Sciences du jeu, dirigé à Paris 13 par Gilles Brougère qui intègre, suivant les disciplines enseignées, la pratique mais surtout l'analyse du jeu de société ou du jeu de formation d'adultes.

En dehors de l'école

Dans le secteur périscolaire et l'environnement « culturel », le jeu est très présent.
Dans les municipalités et les Maisons des Jeunes et de la Culture, le jeu est couramment utilisé pour le soutien scolaire (programmes Coup de pouce, animations Après l'école.
Les musées, en particulier ceux qui sont dédiés à la culture scientifique et technique, et au premier chef la Cité des Sciences et de l'Industrie, utilisent l'approche ludique en accompagnement d'expositions. Des formations spécifiques commencent à voir le jour à l'OCIM, organisme public chargé de la formation des intervenants de musées. Toutes les expo-jeux ne sont pas des réussites mais on sent que le secteur est en train de se professionnaliser.
Certaines ludothèques, lieux tenus par de vrais professionnels du jeu, s'ouvrent à la venue de groupes d'élèves ou de parents. Les ateliers, appuyés sur l'utilisation de jeux de société, proposent un entraînement à l'utilisation de compétences repérées (anticiper, se repérer dans l'espace, donner une information précise, opérer un questionnement organisé..).

Des « évènements » réguliers popularisent le jeu :
Le Ministère de la recherche (fête de la Science et le Comité International des jeux mathématiques (salon des jeux mathématiques) invite de nombreuses associations scientifiques (les petits débrouillards, Jonathan ,...)
L'Association des Ludothèques de France propose annuellement une journée du jeu, essentiellement dans le but de promouvoir le jeu de loirs et de société mais, dans quelques villes, l'aspect éducatif est illustré.
Association spécialisée dans le jeu pédagogique, Permis de jouer propose régulièrement des café jeux à thèmes scientifiques ou littéraires et des événements tels que « La nuit du jeu pour l'entreprise » qui éveille l'intérêt des formateurs pour adultes mais aussi plus largement des enseignants.

En formation continue

Les pédagogies ludiques sont de plus en plus utilisées avec tous les publics, des jeux de communication et de management au ?jeu d'entreprise ?, autre dénomination d'un jeu de simulation qui présente, en simplifié et avec des évènements, le fonctionnement d'une entreprise, d'un pays ou de la Bourse... La particularité de ce secteur est d'accueillir le jeu , non seulement dans des process de formation, mais d'élargir l'appel fait à cette technique à d'autres situations de la vie de l'entreprise, séminaires de cohésion d 'équipe, intégration des nouveaux, opérations de communication interne.

La diffusion, a été lente mais régulière depuis une trentaine d'années, date à laquelle sont apparus, sous l'impulsion de Jean-Marie Albertini du CNRS et de Jean Jacques Ballan de CENECO les premiers jeux destinés à l'apprentissage pour tous des rouages de base de l'économie. Chaque année, un salon professionnel, LUDIMAT EXPO, tenu en mars au CNIT de Paris la défense permet de mesurer la santé du secteur, qui comprend peu d'entreprises vraiment spécialisées, et se partage entre créateurs de jeux et utilisateurs de techniques théâtrales. Le marché français se distingue des autres marchés européens et surtout des USA en ce qu'il a peu d'acteurs mais émet une offre très variée. Citons l'improvisation, le passage par un média artistique tel que la musique, le théâtre, le jeu de rôle, le dessin, le mime, le travail de clown, la pédagogie expérientielle. Toutes ces formes, comme le jeu, utilisent la réflexion analogique, le recul, la création d'un temps et d'un espace gratuit, donc sans risque, pour aider à faire comprendre, à découvrir une compétence, à oser l'utiliser, à se mettre à la place de l'autre, à changer son point de vue...

Si le jeu convainc après de longues années de purgatoire, c'est que les Directions de Ressources Humaines ont testé ses effets. Longtemps choisi en dernier recours, lorsqu'on a épuisé les méthodes plus « sérieuses », le jeu a passé, dans de nombreux cas avec succès, son examen à l'aune des critères financiers de retour sur investissement et de résultats en terme de relations humaines, d'ambiance de travail, de capacité des salariés à s'accommoder des changements nécessaires et a faire de toute évolution de l'entreprise une occasion de se développer. Donner des exemples d'utilisation réussie du jeu nécessiterait un article particulier.

Et ce n'est pas tout !

Faire un état des lieux de la situation de l'utilisation pédagogique du jeu serait incomplet sans évoquer :

Les publics démultiplicateurs touchés :

  les enseignants, dans plusieurs académies se voient proposer des démarches de sensibilisation ou de formation CRDP, et IUFM (avec un axe élèves en difficulté) S'il est regrettable que, généralement, seuls les jeunes en panne puissent bénéficier de l'apport de méthodes implicantes, motivantes, qui facilitent la compréhension et la mémorisation, on doit saluer ces initiatives.

  les formateurs, chargés d'enseigner à des publics en difficulté, illettrisme, alphabétisation, remises à niveau. Pour des raisons économiques, il y a très peu d'éditions de jeux spécialisés. L' effort est fait pour former les professionnels à la création et à l'adaptation de supports, à partir de règles de jeux connues et de jeux de société peu coûteux, ou encore en utilisant des approches sans matériel, comme le conte ; de plus, les professionnels échangent volontiers au sein de colloques.

Les conditions de réussite :
La lecture du dossier des Cahiers pédagogiques vous a donné envie de jouer le jeu. Pour avoir tous les atouts en main, voici quelques conseils :

  Y croire
Est-ce que je crois que le jeu peut apporter quelques chose à ma pratique ? et Suis je à l'aise avec l'idée d'enseigner avec le jeu ?
Si les réponses sont négatives, ne vous forcez pas car sans chaleur et sans conviction de l'animateur que le jeu est un « plus », l'outil ne fonctionnera pas.

  Avoir conscience du rôle essentiel de l'enseignant ou du formateur et être prêt à perdre son « pouvoir » d'enseignant
On ne distribue plus les connaissances, on accompagne plutôt les élèves dans leurs découvertes. D'enseignant, on devient animateur, meneur de jeu ... il faut donc coiffer une autre casquette, éviter de créer une trop grande distance entre vous et le groupe d'élèves. Et, même si l'on voit comment les élèves devraient s'y prendre, rester très discret pendant le temps de jeu, consacré à une observation dont les éléments seront utilisés au moment du débriefing.

  Savoir que le jeu pédagogique est précédé d'un avant-jeu et suivi d'un après jeu

Publié dans Cemea-paris

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